Djahida HOUADEF

Meriem BOUATOURA


 






La première photo prise de mon enfance était l'image en noir et blanc d'une petite fille qui pleurait toutes les larmes de son corps. Elle portait une robe à carreaux froissée, avec des épaules bombées qui donnaient l'impression de suspendre deux ballons. Sous cet effet, le vide avait relevé la robe du corps et bien enfoncé la petite tête entre les épaules.  Cheveux crépus, entremêlés par le vent et soulevés par la misère : les séquelles sorties du chaos d'une résistance et d'une guerre étaient bien visibles.  

 

Tenue à carreaux par l'effet de cette photo, je refusais longtemps d'être photographiée.

 

Plus tard, durant les années soixante dix, pendant que je commençais à fréquenter l'école, je croisais dans les rues d'Alger   des  femmes si belles, et que je percevais très épanouies. Souriantes à la vie, elles portaient des chaussures à très hauts talons. Et la mode des minijupes plissées à carreaux étaient sous toutes les dimensions et toutes les couleurs.

 

Avec le raffinements et la beauté de leurs tailles bien élancées et rehaussées, je pressentais que leurs visions surélevées à cette hauteur leurs permettaient de voir au-delà des horizons de la terre.

 

Ma réconciliation avec le tissu à carreaux me permit de tramer mon terrain visuel, de tracer et d'équilibrer les lettres d'un passé et  d'une histoire. Et de constater que ces cordes régulières et irrégulières pouvaient devenir une harpe et  dégager des vibrations, des sons et des cris de la reconstitution d'une nouvelle lumière.

 

De cette lumière, j'accumulais image sur image, soutenue par une chaleur d'encouragements  de ma famille et de mes amis pour spéculer mes rêves et  les approfondir aux beaux arts.

 

Mon père, un homme rude, stricte, très sérieux et conservateur m’avait apportée dans un silence très communicatif un portrait de femme en tirage argentique. Dans son semblant d'indifférence, il m'avait dit: "c'est Meriem Bouatoura, si tu veux la dessiner".

 

C'est à ce moment là que je compris que derrière l'engagement de cette femme martyre, il y'a des hommes et toutes les montagnes de Djibel El Aurès aux échos fragmentés et escomptés de liberté.

   

                                                                                      Djahida Houadef

Artiste Peintre

écrit, le 15 novembre 2012



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