Djahida HOUADEF

Poèmes visuels




Djahida Houadef : poèmes visuels.

 

Benamar Mediene


 

Les pays qui n’ont plus de légendes sont condamnés à mourir de froid. Patrice de la Tour du Pin (poète et ami de Jean Amrouche)

 
               

A quoi  Djahida peut-elle penser quand, face au support blanc, en un instant, elle doit figurer le premier trait de crayon et du pinceau, poser la première touche ? Elle sait que la palette peut être hostile et que la couleur résiste à des mariages arrangés. Les peintres de talent, j’en connais quelques uns, Djahida parmi eux, sont bourrés de doute ; ils vont vers l’inconnu pour arracher à l’obscurité qui est en eux les secrets qui ouvriraient la voie à la révélation de l’œuvre. ‘’Faire ce que je n’ai jamais fait’’ disaient, inquiets mais obstinés et chacun à leur manière : Picasso (Femme fleur), Matisse (Nu bleu de Biskra), Khadda (Olivier du Dahra), Klee (Fleurs dans le champ de blé), Issiakhem (Mendiante aux feuilles de laurier)… et de cette filiation de peintres sémaphores glorifiant le végétal, Djahida, femme d’Alger, a fait de son appartement une oasis où les légendes, réveillées par les vents de sable, revivent au Ferdaous, chanté par le poète Saadi de Chiraz.         

 

Chaque œuvre est un commencement avec les risques et périls de l’alpiniste affrontant un flanc de montagne rocheux ou le laboureur lançant ses semailles sous les rafales de grêle. Alors le doute génère la peur de voir son miroir intérieur se casser et, donc, de fragmenter l’image avant même son émergence, laissant le peintre à son désarroi.

Si le miroir n’est que fêlé, tout est encore possible à la pensée et à la main acharnées à rendre visible ce qui est décomposé et n’a pas encore de sens. Dans le silence du monde intime de Djahida, mille personnages, mille idées exigent d’elle, de surgir et d’avoir un corps qui danse face à un couple d’oiseaux.

Quatre séquences des N’gaoussiates, A l’air qui se réjouit de leur danse, Bouquet…, Sinbades, Recherche de sens… attrapent le regard, mettent les pupilles en état d’ivresse.

Chacun de ces cinq tableaux est un monde dans lequel la pensée est libre de circuler, d’aller aux extrêmes limites de la surface et de la dépasser. Le regard attrapé, l’ivresse de la pupille, les frissons tactiles ne sont qu’un moment de l’échange. L’empathie obsédante cède devant la montée de la sensibilité jumelée à l’intelligence. Les camaïeux de bleu accordés aux teintes de violet et de mauve, du rouge du pavot éclaté, du rose floral, du vert pâle, donnent cette impression de vivre au premier jour du monde, sous le regard du Anqa, cet oiseau mythologique posé au sommet du djebel Qaf et veillant sur le cosmos des Arabes.

Tout est précis dans la composition et tout est aérien comme ces élans oniriques qui peuplent la méditation et l’extase du soufi et ainsi le récompensent. Non, je ne crois pas que ces quatre tableaux de Djahida engagent avec l’œil qui les regarde, un simulacre de séduction ou à un jeu d’hypnotisme. Elle dit au regardeur : laisse ton regard accueillir ces bouquets et ces danses, laisse ta pensée errer dans les champs, les ramures, les tiges et la sève du végétal. Laisse-toi séduire par ces sept femmes-lianes, filles de la Lune et de l’astre solaire ; ces êtres étranges qui hantent les poèmes des fumeurs de fleurs de lotus ou de l’herbe de l’oubli.

Le peintre de talent est celui qui réussit, sans les subterfuges du trompe-l’œil, du point de fuite ou de l’habilité à composer des plans de perspective, à dissimuler la profondeur de son œuvre à sa surface. Regarder un des tableaux de Djahida ici exposés, c’est entendre les sonorités d’un poème visuel, c’est pénétrer  un monde dans lequel le temps et l’espace se déclinent au présent dans le seul territoire des cimaises.

Bachir Hadj-Ali, amant solaire de la musique et de la peinture disait : Le peintre est l’ouvrier de la lumière.

 

Je laisse à Claude Monet conclure ce court texte par cette belle leçon.

La lumière devient le véritable sujet du tableau, maitresse de la couleur, du temps et du mouvement.


 



El gamra
65X50 cm.
Technique mixte sur papier 2011





Bouquet de douces odeurs sombres et tenaces
64.8X50 cm.
Technique Mixte sur Papier 2010





J’aspire à tant de choses, à presque l'infini....
65X50 cm.
Technique mixte sur papier 2011




 

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